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(fr) Alternative Libertaire #357 (UCL) - RSA conditionné : Travail gratuit, non merci !

Date Mon, 10 Feb 2025 18:44:06 +0000


Le nouveau gouvernement a enfin pu mettre en place une réforme testée sur le territoire français depuis deux ans : le RSA conditionné à 15 h d’activités hebdomadaires. Une réforme qui vise plus à contrôler les précaires au profit de la production capitaliste qu’à leur offrir des conditions matérielles dignes. ---- Depuis le 1er janvier, les allocataires du RSA se voient appliquer un « accompagnement rénové » impliquant notamment une obligation de justifier de 15 heures d’activités hebdomadaires. Ce dispositif, jusque-là en test sur quarante-neuf territoires, a été généralisé comme le prévoit la loi pour le « plein emploi », et est désormais assorti de la possibilité de sanctions : suspension du versement du RSA, voire radiation. Alors que la loi est très vague sur la nature de ces 15 heures d’activité, le gouvernement assure qu’elles « ne peuvent pas être du travail bénévole réalisé en dehors du cadre du code du travail » [1].

Pourtant, le glissement s’opère déjà. Un certain nombre de territoires tests ont mis en place des « missions d’intérêt collectif », à l’image du département de l’Eure, où des communes ont eu recours à la main d’œuvre d’allocataires du RSA pour de l’aménagement d’espaces verts, invoquant le manque de budget pour employer des agents communaux [2]. À l’heure où des ­coupes budgétaires sont annoncées, visant notamment les collectivités territoriales, il y a fort à parier que le recours au travail des allocataires du RSA pour remplir des missions de service public s’intensifie.

Les États-Unis, un modèle à ne pas suivre

Impossible de ne pas penser au modèle états­unien du workfare (contraction de work pour « travail », et de wellfare pour « aide sociale »), à l’œuvre depuis les années 1970 et généralisé à tous les États depuis 1996. À New York par exemple, où l’entretien des parcs et jardins est désormais assuré par 6 000 bénéficiaires de minima sociaux, le nombre d’employé·es de la municipalité a été réduit de 7 000 à 2 000. La sociologue Maud Simonet qui a étudié ce phénomène à New York, parle de « gratuisation du travail public » [3].

Le privé n’est bien sûr pas en reste puisque ces heures d’activité peuvent par exemple consister en « une immersion en entreprise pour affiner son projet professionnel », d’après le site du service public. Mieux que les emplois précaires ou même les stagiaires, il s’agit d’une manne de main-d’œuvre entièrement gratuite et sans aucune protection qui s’offre aux patrons. Ces près de deux millions d’allocataires concerné·es, considéré·es comme bénéficiaires d’aides sociales et non comme salarié·es, ne peuvent prétendre aux dispositions du Code du travail : ni congés payés, ni possibilité de ­faire grève ou de se syndiquer, ni cotisation maladie, chômage ou retraite, ni bien sûr salaire minimum.

Le RSA moyen perçu étant de 538 euros par mois [4], cela revient à une « rémunération » horaire de 8,27 euros, soit en dessous du SMIC net, et ce intégralement payé par l’État et non par les entreprises qui bénéficient de ce travail. Ce nouveau statut n’est pas sans rappeler celui des travailleurs et travailleuses handicapées des établissements et services d’aide par le travail (ESAT), également considéré·es comme bénéficiaires, en dehors du droit du travail [5].

Stigmatiser les précaires

Les personnes bénéficiaires du RSA sont désormais contraintes de justifier de ces 15 heures d’activité auprès de l’organisme référent avec lequel elles auront signé leur contrat d’engagement, autrement dit de rendre compte de ce qui fait leur quotidien, démontrer elles ne sont pas des fainéantes se tournant les pouces et qu’elles « méritent » leur allocation. Les temps passés à faire du bénévolat associatif ou pour des soins peuvent être pris en compte, ce qui amène à un contrôle particulièrement intrusif et humiliant, induisant l’idée que tous les aspects de la vie d’une personne sans emploi doivent être dirigés vers un objectif d’insertion professionnelle.

Si cela fait longtemps que le RSA n’est plus pensé comme un dispositif de lutte contre la pauvreté, cette réforme franchit une étape de plus dans la stigmatisation des personnes les plus précaires. On n’envisage leur accompagnement que par le prisme de leur capacité à participer à la production capitaliste. Cette approche stigmatisante et culpabilisante augmente le risque de non-recours au RSA ou de décrochage. Le Secours catholique constate, dans les départements qui ont testé la réforme depuis deux ans, une augmentation de 10,8% du non-recours au RSA (actuellement évalué à 30% à l’échelle nationale) [6].

Si elles ne justifient pas de ces 15 heures d’activité, ces personnes risquent de voir leur allocation suspendue, voire d’être radiées. Alors qu’ils n’avaient pas encore cette possibilité de sanction, les départements tests ont tout de même trouvé le moyen de radier jusqu’à 13% de leurs allocataires (en Côte d’Or par exemple) [7] en raison de leur absence au premier rendez-vous de diagnostic. Les possibilités de sanction étant désormais ­ouvertes par la loi, les suspensions ou radiations risquent de se multiplier. Certains départements ne s’en cachent d’ailleurs pas, posant des objectifs chiffrés de diminution du nombre de bénéficiaires du RSA. France ­travail annonce quant à elle une intensification des contrôles, avec l’objectif de passer de 520 000 en 2023 à 600 000 en 2025, puis 1,5 millions en 2027 [8].

Une main d’œuvre pour les emplois repoussoirs

Si l’objectif annoncé est la sortie du dispositif RSA « par le haut », force est de constater que celui-ci n’est pas atteint puisque les taux d’accès à l’emploi sur le plan national et dans les territoires tests sont exactement identiques : 41,4% six mois après l’ouverture des droits au RSA, dont 28,5% avec des CDD de moins de six mois, n’ouvrant pas droit au chômage et donc préjugeant d’un retour probable au RSA ensuite [9] (en passant par une période d’examen de leur demande, sans allocation). Si le nombre de bénéficiaires du RSA est en baisse, c’est plutôt le fait des sanctions et renoncements des personnes concernées à faire valoir leurs droits.

Pourtant, il est établi que le non-recours ou la suppression des droits au RSA entraînent des risques en terme de sécurité alimentaire, de perte de logement ou de dégradation de la santé physique ou mentale. Notamment chez les personnes plus touchées que le reste de la population par les oppressions systémiques que sont le patriarcat, le racisme ou le validisme.

Stigmatisées et mises sous pression, les personnes les plus précaires se retrouvent, avec cette loi, à devoir soit se passer d’une allocation qui relève pourtant de nécessités vitales, soit accepter des heures d’activité ou d’emploi dans des conditions particulièrement dégradées, impactant leurs conditions matérielles de vie et leur santé. Jamie Peck, sociologue et géographe qui s’est penché sur le dispositif étatsunien, déclare que « le workfare ne consiste pas à créer des emplois pour ceux qui n’en ont pas, mais à créer des travailleurs pour des emplois dont personne ne veut » [10].

Face à cette politique néolibérale qui attaque toujours les plus précaires d’entre nous en premier, tentant de nous faire croire qu’ils et elles sont la source de tous les maux, il est urgent de répondre par l’union en s’emparant de cette question, qui nous concerne en réalité toutes et tous, partout où nous luttons.

Julie (UCL Fougères)

Notes:
[1] «  RSA : expérimentation des 15 heures d’activité dans 29 nouveaux départements à partir de mars 2024  », Service-public.fr, 4 mars 2024.
[2] «  RSA dans l’Eure, le département met des allocataires au travail  », actu.fr, 23 novembre 2023.
[3] Maud Simonet, Travail gratuit : la nouvelle exploitation  ?, 2018.
[4] Au 2e trimestre 2024 selon la CNAF.
[5] «  Antivalidisme : ESAT, faux-semblants et véritable exploitation  », Alternative libertaire, février 2024.
[6] «  Premier bilan des expérimentations RSA : 4 alertes pour répondre aux inquiétudes des allocataires  », rapport du Secours catholique, AequitaZ et ATD Quart Monde, octobre 2024.
[7] «  En Côte d’Or l’expérimentation RSA induit 13,8% de radiations  », Alternatives économiques, 21 avril 2024.
[8] «  Des demandeurs d’emploi toujours plus contrôlés  », Le Monde, 28 avril 2024.
[9] «  Tableau de bord France travail de suivi des expérimentations de l’accompagnement rénové des bénéficiaires du RSA  », Beta.gouv.fr.
[10] Jamie Peck, Workfare States, Routledge, 2001.

https://www.unioncommunistelibertaire.org/?RSA-conditionne-Travail-gratuit-non-merci
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