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(fr) Courant Alternative #347 (OCL) - L'histoire du viol, un révélateur de l'ordre patriarcal
Date
Sun, 9 Feb 2025 18:42:24 +0000
La perception du viol a évolué dans la société française sous
l'influence de facteurs économiques, politiques et sociaux. Pour
rappeler la manière dont cet acte a été considéré selon les époques et
pour tenter d'en tirer un bilan, on s'appuiera ici principalement sur
Histoire du viol - XVIe-XXe siècle de Georges Vigarello, historien et
philosophe spécialiste du corps et de ses représentations. Cet ouvrage
(1) fait en effet référence par la richesse de sa documentation: textes
de loi, témoignages de victimes, rapports de police, ouvrages de
médecine, essais philosophiques ou encore oeuvres artistiques. ---- Le
viol sous l'Ancien Régime: un blasphème et une violence physique ----
Dans la société des XVI-XVIIIe siècles, où les rapports sociaux sont
assez brutaux, le viol constitue une violence physique parmi d'autres
(et il est autorisé, comme le pillage, pendant les guerres). En
condamnant à des supplices tels que la roue ou la pendaison (exécutés en
public «pour l'exemple»), les juges sévissent surtout contre le vol dit
«de grand chemin», car cet acte représente un danger pour la sécurité
des déplacements et la sureté des biens. Cependant, le mot «rapt» sert à
désigner tant un larcin que le viol d'une femme, du fait que violer est
une façon d'enlever un bien au... propriétaire de cette femme: son père,
mari ou tuteur. Quand une fille perd sa virginité, c'est un préjudice
pour l'homme dont elle dépend puisqu'il ne pourra plus la marier - la
virginité est la condition du mariage, et celui-ci sert à conclure des
arrangements de tous ordres entre les familles.
Le viol est de plus une offense à Dieu, une transgression morale
associée aux crimes contre les moeurs (fornication, adultère,
sodomie[2], bestialité). Une femme violée est souillée par la
«perversion» à laquelle elle a été mêlée. Elle sait qu'elle va être
rejetée socialement si elle parle, ce qui l'incite à ne pas le faire. Si
elle appartient aux classes supérieures, elle peut être envoyée dans un
couvent pour «racheter sa faute». Quant au violeur, le traitement qui
lui est réservé dépend à la fois de son rang social et de celui de sa
victime: la jurisprudence sanctionne fort peu les violences sexuelles
commises par des maîtres sur leurs servantes, mais durement celles que
commettent des valets sur leurs maîtresses.
Enfin, la plainte d'une femme pour viol n'est reconnue que si elle a
manifesté son refus par des gestes et des cris, et que sont constatés
des signes de lutte ou des blessures. Son silence est la «preuve» d'une
approbation. D'autant qu'une femme est couramment estimée en capacité
physique de se défendre contre un homme seul pour sauver sa vertu. Au
XVIIIe, des philosophes des Lumières tels que Voltaire ou Diderot en
sont convaincus. Rousseau rejoint Casanova (qui préconise de «brusquer
la pudeur» d'une femme) quand il écrit que la violence fait partie des
rapports sexuels; ou qu'en cédant à un homme puis en invoquant sa
violence une femme veut juste donner le change. Et des médecins aident à
figer l'inégalité entre les sexes en assurant que la constitution
physique des femmes (leur faiblesse musculaire ou la «petitesse de leur
taille ou cerveau») les subordonne «naturellement» aux hommes.
Avec l'accroissement des villes et de leurs industries, l'essor de la
famille nucléaire en Europe entraîne le développement de la domesticité
dans les classes supérieures - il en résulte une hausse des viols de
servantes par leurs maîtres (3), lesquels bénéficient d'une relative
impunité. Dans les milieux populaires, la forte promiscuité favorise les
agressions sexuelles (elles se déroulent en général dans des chambres,
commodités attenantes, escaliers ou arrière-cours). Les violeurs sont
des compagnons, ouvriers, artisans et boutiquiers appartenant au
voisinage immédiat de leurs victimes. On note une augmentation des
procès pour des viols de filles (4).
La Révolution française: de la femme-objet vers la femme-sujet
Dans les années 1770, des hommes de lettres ou de loi et des journaux
manifestent une compassion nouvelle envers les victimes d'un viol (5) -
mais surtout quand il s'agit d'enfants: on doit les protéger, au lieu de
les condamner comme «libertins» ou débauchés.
Les révolutionnaires de 1789 proclament l'égalité entre les sexes (sans
pour autant accorder de droits civiques aux femmes). Dans son mémoire
préliminaire à la Constitution, le 20 juillet, l'abbé Sieyès dit: «Tout
homme est seul propriétaire de sa personne et cette propriété est
inaliénable.» Il découle de cette affirmation la reconnaissance d'une
liberté pour les femmes - et un chamboulement du regard sur le viol: si
la victime de cet acte n'est plus la propriété d'un «tuteur», c'est elle
et non plus lui qui subit un préjudice.
Le Code pénal de 1791 range le viol dans les «crimes et attentats contre
les personnes» (et non «contre les propriétés»). Son article 29 déclare
le viol (et non le rapt) «puni par six ans de fers» - mais le terme
n'est pas défini, et dans les enquêtes policières les seuls critères
retenus pour qualifier un viol sont la pénétration génitale imposée et
l'usage de la force.
Dans l'effervescence de la période, les juges ciblent les adversaires de
l'ordre républicain: d'un côté les ruraux aux moeurs «archaïques», de
l'autre les nobles libertins (tel Sade). Ils se penchent, comme les
députés, sur l'importance de l'intention et du consentement dans les
affaires de viol; et, concernant les enfants abusés, sur l'existence
possible d'une violence autre que physique dans cet acte. Toutefois, la
pratique judiciaire ne suit pas leurs réflexions.
Sous le Ier Empire, la transgression sociale la plus redoutée demeure
l'atteinte aux biens, et l'inégalité entre hommes et femmes se renforce.
Dès 1804, le Code civil napoléonien contredit la formule de Sieyès en
affirmant, d'une part, que l'époux doit entretenir et protéger l'épouse,
et l'épouse obéir à l'époux; d'autre part, que la gestion des biens et
l'autorité parentale sont exercées par le «chef de famille».
Le Code pénal de 1810 «protège la famille» en punissant l'adultère
féminin (que la Révolution française avait supprimé au nom de la liberté
individuelle), mais pas l'adultère masculin (6). Le mari a le droit de
dénoncer l'adultère de sa femme, l'inverse est impossible; l'époux
adultère n'est coupable que s'il «entretient une concubine dans la
maison conjugale»; l'adultère peut être puni de prison pour la femme,
d'une amende pour l'homme. La justification d'une telle différenciation?
L'adultère féminin risque d'introduire des enfants illégitimes dans la
famille. Et comme le même souci anime le législateur en matière de viol,
c'est la seule pénétration vaginale par un pénis qui définit ce crime.
Si les femmes voient s'aggraver leur statut subalterne dans la société -
en attestent par exemple les jugements en leur défaveur dans les procès
sur des brutalités conjugales, ou le fréquent déclassement de viols en
«attentats à la pudeur» -, les enfants y font l'objet d'une attention
particulière (7). On s'interroge sur l'«attentat à la pudeur sur mineur
avec violence» ainsi que sur l'inceste - qu'un père violeur justifie
lors de son procès par son droit de «faire de telles bêtises avec[s]a
fille» car elle est sa propriété. La loi de 1832 affirme que tout
attouchement sur un enfant de moins de 11 ans est, par principe, violent
- il ne peut donc y «consentir». La presse se focalise sur certaines
affaires de viol avec meurtre d'enfants, et la spécificité de ces crimes
(expliqués par la folie ou l'alcoolisme des agresseurs, voire par
l'impuissance de vieillards) débouche sur la distinction, après 1850,
entre crimes sur mineurs et crimes sur adultes dans le Compte général de
la justice criminelle (8).
Manifestation à Paris contre Roman Polanski - accusé par plusieurs
femmes de violences sexuelles sur mineures -, lors de la cérémonie des
Césars du cinéma le 28 février 2020.
A cette époque, le développement des emplois «en col blanc» met de
nombreuses femmes à la merci des patrons, contremaîtres et chefs de
service (9). La réflexion juridique sur la «séduction» conduit à élargir
son champ aux abus d'autorité, chantage exercé par les maîtres et
relations sexuelles imposées sous la menace par un supérieur. En 1857,
au procès de Dubas (un homme qui a couché avec une femme en se faisant
passer pour son mari), la Cour de cassation estime qu'il y a viol
lorsque l'agresseur recourt à la «violence physique ou morale» ou à
«tout autre moyen de contrainte ou de surprise». La définition de cet
acte se modifie dans les dictionnaires après 1870: «Il y a viol toutes
les fois que le libre arbitre de la victime est aboli», dit par exemple
le Grand dictionnaire Larousse en 1876 - à la violence physique sont
ainsi associées la menace, les pressions ou la tromperie (par
l'absorption de drogues, par exemple).
Les plaintes pour viol sur des femmes restent toutefois peu nombreuses,
car l'acte doit se produire devant témoins et dans un lieu public pour
être éventuellement soumis à procédure. Dans l'espace privé,
l'intervention du voisinage lors d'un viol favorise le dépôt de plainte;
mais, même si l'on constate des «marques de lutte» entre la victime et
l'agresseur, le procès se conclut maintes fois par un acquittement de ce
dernier (entre 1860 et 1890, le taux moyen d'acquittement est de 53,2 %
pour les viols de femmes, contre 23,7 % pour les viols d'enfants). La
parole d'une femme violée continue d'être appréciée à l'aune de son mode
de vie (elle n'est pas «sage» si elle vit en concubinage, par exemple).
Par ailleurs, comme l'individu et sa psychologie suscitent un intérêt
croissant dans la société, le «violateur» devient l'objet d'une
curiosité qu'alimente la presse friande de faits sensationnels, et
l'anthropologie criminelle recherche des critères physiques (tel un
front bas) permettant de reconnaître ce «détraqué» ou «maniaque» au
milieu de l'anonymat urbain. La violence sexuelle est depuis longtemps
attribuée aux marges et à la misère: elle émane forcément de vagabonds,
de réfractaires au travail ou d'étrangers. Pourtant, dans les procès
pour viol ou «attentat» qui se tiennent aux assises de Versailles entre
1840 et 1850, les accusés appartiennent au petit peuple des villes: ce
sont des travailleurs exerçant une cinquantaine de métiers (les plus
élevés socialement sont marchands ou instituteurs); et l'absence de
violeurs appartenant à la bourgeoisie reflète surtout les moyens
(financiers ou relationnels) dont ceux-ci disposent pour éviter les
tribunaux.
Le viol au XXe siècle: une souffrance individuelle et une violence morale
La prise en compte de pulsions irrépressibles chez les individus
conduit, vers la fin du XIXe, à considérer le viol comme un acte à la
fois de violence physique et de pouvoir et domination. Le violeur est un
«monstre ordinaire» non repérable à son physique.
Depuis le début du siècle dernier, de multiples lois ont accordé des
droits aux femmes: libre disposition de leur salaire, congé de maternité
remboursé par la Sécurité sociale, programmes scolaires identiques pour
filles et garçons, droit de vote et d'éligibilité, autorisation de la
contraception et de l'IVG, etc. Ces lois ont pour partie visé à
satisfaire les besoins en main-d'oeuvre du système capitaliste: il
fallait que les femmes puissent assurer une double journée de travail en
continuant d'effectuer les tâches domestiques en plus de leur activité
salariée (10). Mais c'est, bien sur, par leurs mobilisations que les
femmes ont acquis une autonomie - fragile parce que fonction d'enjeux
économiques (11).
Dans l'après-68, le Mouvement de libération des femmes (MLF) a rendu la
lutte contre le viol synonyme de la lutte contre la domination
masculine. Des mobilisations féministes ont imposé la révision du Code
pénal (voir l'encadré). En 1992, les violences sexuelles ont été
requalifiées d'«attentats aux moeurs» en «agressions sexuelles». A
présent, le harcèlement sexuel, l'agression verbale ou psychologique et
le viol entre époux sont explicitement reconnus dans la loi. Le viol -
puni de quinze ans de réclusion criminelle (hors circonstances
aggravantes) - est «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature
qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui
ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou
surprise»; l'agression sexuelle est toute atteinte sexuelle sans
pénétration (baisers, caresses ou attouchements) dès lors que l'accord
de la victime n'est pas clair et explicite.
Dans la dernière partie de son Histoire du viol, Georges Vigarello salue
ces «changements dans la culture et la sensibilité[qui]ont rendu les
outils juridiques et conceptuels acquis à la fin du XIXe concrètement
opérants». Toutefois, un quart de siècle après la sortie de son ouvrage,
pareil constat paraît quelque peu optimiste. Si, en 1978, le procès
d'Aix-en-Provence a forcé à débattre sur la notion de consentement,
l'«affaire de Mazan» a montré voici quelques semaines la nécessité de
continuer à crier que le corps d'une femme appartient à elle seule (nul
autre n'a le droit d'en disposer), et que la responsabilité d'un viol
incombe à l'agresseur et non à la victime (voir l'article suivant).
Des constantes patriarcales et de classe toujours à combattre
Vigarello met, certes, en évidence la nécessité de considérer la
violence sexuelle comme un problème social et politique plutôt que comme
une question privée, mais il attribue à une «résistance des moeurs» les
divers procédés dont use l'institution judiciaire pour réduire les
peines prévues par la loi en matière de viol.
En fait, cette institution reste un pilier de l'ordre établi et le
défend dans ce domaine (et dans d'autres) en dépit de sa large
féminisation. Le doute qu'éveille fréquemment la parole d'une femme
violée est de plus fortement du à l'image des femmes que véhiculent
d'autres institutions patriarcales (en particulier la famille et
l'école) et que perpétue le marché (notamment par les produits genrés
que promeuvent la publicité, les médias et les réseaux sociaux).
Enfin, dans une société sécuritaire moderne telle que la France, on
situe le problème du viol à un niveau individuel et sanitaire quand
c'est un problème de société. La focalisation sur l'«intime» et sur le
«grave préjudice moral» conduit ainsi à soigner par des traitements et
thérapies un violeur condamné: on mêle à sa peine l'obligation d'un
«suivi médico-social» censé empêcher la récidive. Et on se tourne vers
l'Etat comme s'il était un «agent neutre», et non le garant de l'ordre
établi, pour obtenir davantage de contrôle social, de répression et de
prise en charge des victimes. La réflexion sur des moyens d'autodéfense
face aux violeurs entreprise dans la France des années 70 (et toujours
menée dans des pays d'Amérique latine) est ainsi délaissée.
Vigarello a raison d'écrire que la marge de tolérance face aux violences
sexuelles s'est réduite. L'explosion des #MeToo et autres hashtags est
un signe que de nombreuses femmes sont moins disposées à se taire, de
nos jours, quand elles sont confrontées à la violence et à la souffrance
dans leurs relations avec les hommes. Néanmoins, la non-indépendance
économique d'une femme ou la présence d'enfants à son foyer la
dissuadent souvent de quitter un homme violent, quoique les divorces
soient très majoritairement une démarche féminine (12). Et la
persistance du patriarcat transparaît dans bien des comportements. Exemples:
* Les polémiques sur le «consentement» reflètent pour une bonne part des
préjugés misogynes hérités de la religion. Si les femmes ne sont plus
guère qualifiées ouvertement de «pécheresses» ou d'«êtres impurs», on
les soupçonne facilement d'être menteuses ou versatiles, ou de pousser
par des attitudes provocatrices les hommes à leur faire des «avances».
* Un photographe indien a réalisé en 2014 des photos de... mode en
s'inspirant de l'agression et du viol par six hommes d'une étudiante
(décédée peu après), dans un bus à New Delhi en 2012.
* Alors que les viols sont très majoritairement commis dans la sphère
privée par un homme connu de sa victime, la peur d'être agressées par
des inconnus incite des femmes à ne pas sortir la nuit. Cette peur est
entretenue par un discours dominant visant à convaincre qu'il faut s'en
remettre aux gouvernants pour prévenir tout danger, car il est désormais
impossible de changer le monde.
* La répugnance de nombreuses femmes violées à aller devant les
tribunaux traduit un désir de ne pas affronter les épreuves que sont un
dépôt de plainte et un procès, ou la honte et la culpabilité de ne pas
s'être mieux défendues lors de leur agression... ou encore la conviction
que porter plainte ne sert à rien. Quelle que soit la lourdeur des
condamnations prévues par la loi selon les époques, en effet, les
violeurs y échappent pour la plupart, grâce soit à la requalification du
viol en simple délit, soit au classement sans suite des plaintes déposées.
* Dans les classes supérieures, beaucoup de violeurs s'en tirent aussi
bien qu'hier grâce à des arrangements avec leurs victimes; ces
arrangements prennent éventuellement la forme, aujourd'hui, de contrats
certifiés devant notaire et parfois communiqués au juge.
* Ajoutons à ce tableau que, tout en étant réprouvé par des instances
internationales telles que l'ONU, le viol reste une «arme de guerre»
dans le monde entier: pénétrer sur un territoire et en prendre
possession, c'est aussi pénétrer les femmes qui y vivent comme si elles
étaient un bien dont on pouvait disposer (13).
On le voit, le traitement judiciaire du viol et le regard porté sur cet
acte nous en disent toujours long sur les rapports de sexe et de classe
existant dans les sociétés. Et pas plus en France qu'ailleurs, le viol
ne peut être une «affaire réglée», ou réglable, par les tenants du
système patriarcal et capitaliste.
++++
EN 1978, LE «PROCÈS DU VIOL»
À AIX-EN-PROVENCE
Manifestation à Aix-en-Provence pendant le procès de 1978.
Deux jeunes touristes belges, Araceli Castellano et Anne Tonglet,
sont agressées par trois hommes dans la nuit du 20 au 21 aout 1974,
alors qu'elles dormaient sous une tente dans les calanques de Marseille.
Elles se défendent physiquement (blessant un des hommes à la tête), mais
sont frappées et violées pendant près de cinq heures. Le procès-verbal
de la plainte qu'elles déposent à la gendarmerie laisse pourtant
supposer, dans sa formulation, qu'elles étaient consentantes - et leurs
agresseurs affirment qu'elles l'étaient. La juge d'instruction ne
retient que les «coups et blessures», envoyant le procès au tribunal
correctionnel de Marseille. Anne et Araceli contestent sa décision, et
une partie des féministes se mobilise pour soutenir leur démarche
(d'autres féministes soulignent le paradoxe d'en appeler à la «justice
bourgeoise» alors que celle-ci a été combattue peu auparavant pour sa
répression de l'avortement).
En 1975, Gisèle Halimi prend l'affaire en main et, les trois
agresseurs étant finalement inculpés de viol, le tribunal correctionnel
se déclare incompétent pour juger l'affaire. Le procès s'ouvre aux
assises d'Aix-en-Provence le 2 mai 1978. Dans l'intervalle, Araceli et
Anne ont vécu un calvaire en Belgique: l'une, tombée enceinte des suites
du viol, n'a pu avorter qu'en trouvant une docteure prête à enfreindre
la loi (l'avortement est alors interdit dans ce pays); l'autre,
enseignante, a été mutée à la demande de parents d'élèves. Elles se font
insulter aux portes du tribunal, et le président les interroge sur leur
homosexualité («défaut de moralité»)... Gisèle Halimi refuse le huis
clos et fait de ce procès une tribune contre le viol et contre la
domination masculine.
Un des inculpés est condamné à six ans de prison pour viol, les
deux autres à quatre ans pour tentative de viol - le viol en réunion n'a
pas été retenu. Mais le procès d'Aix-en-Provence, aussi politique que
médiatique, a largement contribué à ce que le Parlement vote, le 23
décembre 1980, une nouvelle définition pénale du viol.
Vanina
Notes
1. Paru au Seuil en 1998. En couverture: Alexandre Cabanel, Nymphe
enlevée par un faune, 1860.
2. Cet acte «contre nature» est puni par le bucher.
3. A Florence, l'initiation sexuelle du jeune bourgeois ou aristocrate
passe dès le XVe par les domestiques, et non plus par une visite au
bordel public.
4. Très peu de procès concernent en revanche des garçons, ou des cas
d'inceste - secret de famille bien gardé.
5. Une protestation contre la «question» et autres spécialités des
bourreaux apparaît également.
6. Le divorce instauré en 1792 est quant à lui aboli en 1816 (jusqu'en
1884).
7. Le médecin Louis-René Villermé, dans sa grande enquête sur «l'état
physique et moral» des ouvriers des manufactures, dénonce en 1840 le
travail des enfants - qui sera encadré par la loi l'année suivante.
8. Les enfants sont également séparés alors des adultes dans les
prisons. A Paris, la Petite Roquette, ouverte en 1835, leur est réservée.
9. Très nombreuses auparavant dans la domesticité, les femmes occupent
en 1900 à 40 % des emplois de bureau.
10. Elles représentent actuellement 48 % de la population active.
11. Les politiques natalistes visent par exemple, au sortir d'une
guerre, à les renvoyer à leur foyer pour repeupler la nation.
12. 45 % des mariages se terminent par un divorce, 75 % des divorces
sont à la demande des femmes.
13. Voir les viols pendant la guerre en Ethiopie de 2020-2022 et
l'épidémie de VIH qui s'est déclenchée ensuite dans ce pays.
https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4361
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