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(fr) Socialisme Libertaire - Une approche du mouvement libertaire juif
Date
Fri, 31 Jan 2025 16:51:10 +0000
«Il convient de rappeler une page singulière de l'histoire de
l'humanité, menacée de tomber peu à peu dans l'oubli: le mouvement
anarchiste juif. Voici un rapide aperçu d'un mouvement qui exerça une
influence méconnue sur les luttes politiques menées à son époque. ----
Aussi bien dans le monde occidental que dans les pays du marxisme
triomphant, l'historiographie officielle voulut faire sombrer les
mouvements libertaires dans l'oubli. A fortiori lorsque ceux-ci étaient
juifs, phénomène qui peut même paraître aujourd'hui invraisemblable. Le
sionisme a aggravé encore cet oubli, en dotant les Juifs d'une histoire
officielle, qui généralement atténue dans la mémoire collective le passé
des révolutionnaires juifs, et particulièrement celui des anarchistes.
Or, les Juifs furent nombreux parmi les anarchistes. Ils étaient pour
l'essentiel ashkénazes, originaires d'Europe orientale. A dire vrai,
l'engagement des Juifs se fit dans le sein du mouvement révolutionnaire
général, plutôt que sous une bannière nationale.
A la fin du XIXème siècle et au début du XXème, les anarchistes étaient
la principale composante révolutionnaire en Europe occidentale et aux
Etats Unis, et les anarchistes juifs étaient particulièrement actifs.
C'est que les conditions de vie économiques, sociales et culturelles des
masses juives poussaient celles-ci vers la révolution. En effet, dans
l'Europe orientale ils étaient pratiquement en voie de clochardisation,
alors que dans les pays d'émigration ils se trouvaient dans une
situation d'extrême pauvreté.
Pour finir, l'antijudaïsme et l'antisémitisme les cantonnèrent dans les
marges de la société, les incitant à un repli identitaire - ou à la révolte.
Les conditions de l'engagement libertaire
Il est à noter que le mouvement anarchiste naquit d'abord en Occident et
non dans la «zone de résidence» russe, où pourtant la présence des Juifs
était massive - et leur pauvreté extrême. A cela, quelques raisons
possibles:
- La Révolution française, qui déclara les Juifs de France libres et
égaux en droit aux autres citoyens, et les incita à participer
activement à la vie publique;
- La Commune de Paris: à cette époque Montmartre et le Marais
rassemblaient déjà un prolétariat juif significatif. Des
révolutionnaires issus de ce milieu, à l'issue de l'expérience
parisienne, lancèrent les premiers clubs ouvriers en Angleterre et en
France; par rebondissement d'autres les imitèrent aux Etats-Unis et
jusqu'en Argentine. Ces clubs ouvriers servirent de support au
développement de l'anarchosyndicalisme.
- La fin du XIXème siècle vit le mouvement libertaire prendre de
l'ampleur. Des passerelles se créèrent entre des figures du mouvement
libertaire juif et ceux des pays d'accueil, en particulier avec les
Allemands réfugiés politiques, dont la langue se rapprochait du yiddish.
L'attachement sentimental à la Russie les rapprocha aussi des radicaux
russes, tels que Kropotkine, dont le charisme fut certain dans leur milieu.
- L'engagement des libertaires dans l'affaire Dreyfus eut certainement
en France un rôle important. Ainsi, la création de sections CGT dans
l'habillement ne fut pas le fait du hasard.
Paris et Londres furent les plaques tournantes de la propagande et de la
formation militante des révolutionnaires, souvent en transit, car le but
ultime pour beaucoup de Juifs était l'Amérique. Cependant, l'attachement
à la Russie restait profond, et des échanges se poursuivirent. Des
brochures de propagande partaient vers les militants restés ou repartis
en Europe orientale. Et les émigrés furent toujours partagés entre la
nostalgie de la «Mère Russie» et leur nouvelle vie.
Quelques caractéristiques des anarchistes juifs
En Europe orientale, le yiddish fut leur principal vecteur de
communication. Les conditions misérables dans lesquels ils vivaient leur
donna un sentiment d'appartenance à la classe des exploités; il s'y
ajoutait la marginalisation due à l'antisémitisme. Leur mouvement fut
animé par des travailleurs semi-intellectuels. La plupart sont passées
en effet dans les écoles religieuses et avaient donc un niveau scolaire
relativement avancé. Leurs idées les éloignant ensuite de la religion,
ils se retrouvèrent déclassés et rejoignirent le prolétariat juif.
En Occident, le gros du prolétariat juif fut employé dans l'habillement,
dans les métiers de sous-traitance. Ce fut le «sweating system»[1]: de
petits patrons juifs exploitaient les derniers arrivants dans des
conditions extrêmes. Ils travaillaient dans des taudis pour des salaires
de misère, de l'aube au soir. Louise Michel parla de l'East End de
Londres comme du «cloaque de l'humanité».
Dans les deux régions, l'anarchosyndicalisme eut une implantation
importante dans le prolétariat juif, même s'il revêtit des réalités
différentes suivant les pays. Le discours idéologique fut très présent.
L'antiélectoralisme, l'antimilitarisme en furent le fer de lance.
Caricature dans le journal satyrique juif «The Big Stick» d'Emma Goldman
qu'un policier essaie d'empêcher de faire une conférence anti
religieuse, car cela déclenchait des troubles à l'ordre public.
Caricature dans le journal satyrique juif «The Big Stick» d'Emma Goldman
qu'un policier essaie d'empêcher de faire une conférence anti
religieuse, car cela déclenchait des troubles à l'ordre public.
Le rapport à la religion
Un libertaire du XXIème siècle pourrait s'étonner du rôle que put jouer
pour ces hommes la religion de leurs pères. Il faut se souvenir du fait
qu'elle était un facteur important dans la société dont ils étaient
issus. Elle joua d'ailleurs de manière contradictoire:
- L'aspect messianique de libération fut souvent valorisé (la sortie
d'Egypte, la révolte des frères Macchabée). C'est que la formation de
ces révolutionnaires ayant été faite dans les yeshivas, leur langage
faisait souvent appel aux références religieuses. Leur fort
anticléricalisme fut rythmé par le calendrier religieux: bals anti Yom
Kippour, manifestations devant les synagogues.
- La haine de la religion fut forte; il faut rappeler que dans la zone
de résidence russe, les Juifs subissaient une terreur mystique de la
part des religieux intégristes. En revanche, la démocratie occidentale
leur permit de s'en affranchir. Aux Etats Unis et à Londres, les
anarchistes juifs organisaient de grands bals avec buffets, pendant la
fête du Yom Kippour, la fête la plus sacrée de la religion juive, pour
se moquer des religieux.[2]
- On peut rappeler la collaboration qui fut reprochée aux rabbins avec
les pouvoirs locaux et la bourgeoisie juive, source de fréquents
conflits. Cependant, cette haine fut aussi la cause d'une perte
d'influence dans les pays d'accueil, car une partie du petit prolétariat
restait attaché aux traditions religieuses et se lassa de la propagande
outrancière des révolutionnaires. Ces phénomènes ne furent d'ailleurs
pas limités aux milieux juifs, ils étaient dans l'air du temps. Faut-il
rappeler, par exemple, que Sébastien Faure sortit de chez les jésuites,
ou que les frères Reclus avaient un père pasteur.
- La religion eut des effets différents suivant les pays. Si l'exposé
ci-dessus peut s'appliquer pour l'ensemble des Juifs issus de la zone de
résidence, il y a un particularisme chez ceux d'Europe Centrale,
notamment en Allemagne. Ici, les Juifs furent souvent d'origine
bourgeoise, leurs familles étaient en voie d'assimilation. La rupture se
faisait alors en liaison avec une revendication identitaire fondée sur
la religion, avec l'ajout d'un désir de soutien au camp des exploités.
Ce furent souvent des intellectuels appelés anarchistes messianistes. Le
Français Bernard Lazare pourrait être classé dans cette catégorie.
Mourir les armes à la main...
Autre fait qui bouscule les a priori: de nombreux Juifs prirent les
armes pour défendre l'idéal de la liberté universelle. Tous ne se
laissèrent pas tuer comme des moutons, victimes des pogroms ou, plus
tard, dans les camps de la mort.
Emma Goldman harangue des grévistes, 1916.
Emma Goldman harangue des grévistes, 1916.
Pourtant, s'armer dans ce milieu n'était pas facile. Emma Goldman
raconte dans ses souvenirs qu'elle tenta de se prostituer pour pouvoir
acheter le pistolet dont Alexandre Berkman devait se servir pour tuer un
patron de la métallurgie, coupable d'avoir réprimé brutalement une
grève. Le terroriste écopa d'ailleurs de 15 ans de prison.
L'histoire de Simon Radowitski, qui attenta aux jours d'un préfet à
Buenos Aires, fut aussi terrible, et se termina par 15 ans de bagne à
Ushuaia.
Rappelons que parmi les anarcho-terroristes russes de 1905 la moitié
furent des Juifs, que quelques années plus tard, c'est l'anarchiste
Samuel Schwatzbard qui assassina à Paris le pogromiste ukrainien
Pétlioura[3], qu'il y eu une section de canonniers juifs dans «l'armée
noire» de Nestor Makno, «armée» anarchiste en Ukraine durant la guerre
civile[4].
Quelques années plus tard, lors de la Guerre d'Espagne, tous les engagés
volontaires juifs des Brigades Internationales ne furent pas des
communistes... C'est Karl Einstein, neveu du grand physicien, qui
prononça l'éloge funèbre de Durutti à Barcelone en 1936, en tant que
membre de la colonne du nom du célèbre militant anarcho-syndicaliste.
Journal "Freie Arbeiter Stimme" («La Voix du travailleur libre»).
La presse et les écrits
Il y eut une profusion de titres de journaux et de revues d'expression
anarchiste. On en compta des dizaines dans le monde entier. Cependant,
en Europe orientale cette presse fut éphémère à cause de la répression
tsariste. Aussi c'est d'Occident que venait principalement la propagande.
Le Freie Arbeiter Stimme fut créé en 1890, par Mark Mratchny, un
anarchiste ukrainien qui avait été exilé par le Tsar après avoir connu
ses geôles. Le journal a continué d'être publié jusqu'en 1977 (!),
notamment sous la direction de Saul Yanovski, Joseph Cohen ou Ahrne
Thorne. Le tirage du journal a atteint jusqu'à 12.000 exemplaires.
A Londres, (Zsherminal: organ fir anarkhistishe veltanshoyung, Germinal,
organe de la jeunesse anarchiste) et l (Arbayter Fraynd: literarishe
bylage tsum «Arbayter Fraynd», L'Ami du Travailleur et son supplément
littéraire), journaux à la fois politiques et culturels, se vendaient à
plusieurs milliers d'exemplaires et rayonnaient à travers le monde.
Arbeter fraynd: anarkhistish-komunistisher organ, London, July 1922.
En Argentine, la FORA (organisation des anarchosyndicalistes argentins)
ouvrit une page en yiddish dans son journal national.
En France dans les années 1960 La Libre Pensée (Der frayer gedank)
tirait encore à 1000 exemplaires.
Le mouvement libertaire des décennies passées laissa aussi un testament
littéraire important et diversifié. Par exemple David Edelstat et Moris
Rosenfeld, qui écrivirent de nombreux poèmes exprimant la misère
populaire. Ernst Tollers était connu comme un dramaturge important.
Gustave Landauer théorisa l'anarchisme, Bernard Lazare, Martin Buber
expliquèrent le messianisme juif. Chaoul Yanovsky et Josef Cohen furent
de brillants journalistes et polémistes.
Certains survivants de la révolution Russe laissèrent une analyse
historique perspicace de la prise de pouvoir par les bolcheviques, la
description du vécu du peuple russe durant la période révolutionnaire et
les débuts de la contre révolution bolchevique a de quoi à faire pâlir
les historiens de la droite libérale actuelle: les écrits humanistes de
Gorelik, Berkman, Goldman, ou de Voline expriment une critique
révolutionnaire du centralisme autoritaire et s'inscrivent dans une
aspiration de libération collective et communiste des individus.
Alexandre Berkman laissa un souvenir émouvant de sa vie dans les prisons
américaines, et son amie Emma Goldman retraça sa vie de militante
féministe, de libertaire dans «l'Epopée d'une anarchiste», avec la
passion qui caractérisa toute sa vie.
L'un des plus beaux écrits sur la guerre d'Espagne est un livre écrit
par Kaminsky, Ceux de Barcelone. Ce livre est l'équivalent libertaire de
«l'Espoir» de Malraux ou du film «Land and Freedom» de Ken Loach. Ce
même auteur écrivit aussi une biographie de Bakounine, ainsi que le
premier pamphlet contre Céline («Céline en chemise brune», éd. Mille et
une nuit).
L'implantation par pays
Dans l'Occident, l'Angleterre fut le bastion du mouvement anarchiste; il
y fut hégémonique jusqu'en 1914. Son mouvement syndical restera autonome
par rapport au TUC. Or, il faut rappeler qu'il y eut plus de Juifs parmi
les anarchistes dans ce pays qu'il n'y eut de Britanniques.
Le groupe des anarchistes en Angleterre - le Riter der frayhayt - avait
deux maisons d'éditions, à Londres et à Leeds. Ils créèrent un
bibliothèque en langue Yiddish (Biblyotek in idish-daytshe shprakh),
spécialisée dans la propagande anti-religieuse.
Pierre KROPOTKIN, «Broyt un frayhayt»[Pain et Liberté, la Conquête du
pain], London: Grupe Frayhayt, 1906. 84 pages.
Les pamphlets étaient imprimés dans de très petites dimensions, pour
pouvoir être facilement introduite dans la zone de peuplement juive en
Russie. Leur page de garde ressemblait aux livres de prières en hébreu,
de façon à tromper les adversaires. Entre 1899 et 1903, plus d'une
vingtaine de titre - tous très véhéments contre la religion israélite,
ont été publiés. un autre bon exemple des méthodes anarchistes de
propagande est l'adaptation en Yiddish de l'essai polémique de
Bakounine, Dieu et l'Etat, Got un der shtat, en 1901. Il lui fut ajouté
une nouvelle version des 13 principes de la foi juive de Moïse
Maïmonide. Le premier principe de la version nouvelle disait: «Je crois
que tous les hommes sont nés libres et égaux» .
Meeting le 2 Juillet 1905 de la Yiddish Anarchist Federation en
commémoration de Bakounine.
Meeting le 2 Juillet 1905 de la Yiddish Anarchist Federation en
commémoration de Bakounine.
En France, ils entrent dans la CGT. Ils furent à l'initiative du seul
meeting tenu dans le milieu juif immigré lors de l'affaire Dreyfus. Ils
furent présents dans le théâtre, constituèrent des cercles de débats,
ouvrirent des bibliothèques. La préfecture de police recensa 450
anarcho-communistes en 1907 à Paris, pour une communauté estimée à 20
000 personnes. La proportion est importante.
Aux Etats-Unis, ils intégrèrent les syndicats réformistes ou rejoignent
les IWW, organisation syndicaliste révolutionnaire créé en 1905, qui la
première édita de la propagande en Yiddish.
«Abolissez l'esclavage!» Manifestation d'anarchistes new-yorkais (1909).
«Abolissez l'esclavage!» Manifestation d'anarchistes new-yorkais (1909).
Dans les années 20, période de forte rivalité avec les communistes, les
ouvrières anarchiste des syndicats du textiles (International Ladies'
Garment Workers' Union) - éditèrent le journal "Der Yunyon arbayter" (Le
travailleur syndiqué).
Dans les années 20, période de forte rivalité avec les communistes, les
ouvrières anarchiste des syndicats du textiles (International Ladies'
Garment Workers' Union) - éditèrent le journal "Der Yunyon arbayter" (Le
travailleur syndiqué).
Des groupes s'implantèrent dans plusieurs villes. New York a longtemps
été un centre d'activisme mlitant anarchiste: dans les années 1910, il y
avait plusieurs groupes (Frayhayt, (Liberté) Groupe Yiddish de Harlem et
Broyt un Frayhayt (Pain et Liberté) de Brownsville, Brooklyn). Dans les
années 1930, apparu le groupe Naye gezelshaft. Jusqu'à la Seconde guerre
mondiale, une fédération anarchiste de langue yiddish était active,
publiant des brochures en association avec le Freie Arbeiter Stimme.
L'Argentine, comme l'Uruguay, eurent une présence anarchiste juive
attestée. Les sections de l'AIT (FORA et FORU) publièrent des manifestes
et des textes en yiddish.
Appel à la solidarité du Fonds de Secours de l'AIT avec les Prisonniers
politique en Russie, en Yiddish et en anglais (1924) des textes en yiddish.
Appel à la solidarité du Fonds de Secours de l'AIT avec les Prisonniers
politique en Russie, en Yiddish et en anglais (1924) des textes en yiddish.
En Europe orientale, ils devaient affronter la répression féroce
organisée par l'absolutisme tsariste, ce qui les obligeait à la
clandestinité. Les militants furent souvent de très jeunes gens peu
aguerris; la presse et le matériel de propagande venaient de l'étranger.
Cependant, une imprimerie clandestine tint quelques semaines à
Bialystok. Les réunions politiques se faisaient souvent, comme pour
d'autres mouvements révolutionnaires, à l'extérieur des bourgs, dans les
bois et les forêts. La violence était très importante. Lors des
manifestations dans les villes, les anarchistes défilaient habillés de
noir, sous des drapeaux noirs. Ils jouèrent un rôle important lors des
insurrections, autant en 1905 qu'en 1917. Beaucoup donnèrent leur vie en
combattant aussi bien les Blancs que les bolcheviques.
Affiche pour une discussions sur Anarchisme et Judaïsme (Anarchism et
Yiddishkayt) à Moscou, 1918. (Museum of the Jewish History in Russia).
Affiche pour une discussions sur Anarchisme et Judaïsme (Anarchism et
Yiddishkayt) à Moscou, 1918. (Museum of the Jewish History in Russia).
A la périphérie de la zone de résidence, les libertaires juifs furent
présents en Bulgarie, en Roumanie et jusqu'à Thessalonique, où on nota
même quelques foyers libertaires d'origine séfarade. La personnalité la
plus connue parmi eux fut Alcalay, qui participa à la révolution
espagnole en tant qu'instituteur, aidé par sa connaissance du
judéo-espagnol. En Bucovine, David Stetner raconte que dans les années
30 un groupe d'une centaine de personnes se réunissait dans une
clairière pour y lire des textes libertaires.
Le cas particulier de l'Europe centrale: Ici, la plupart des anarchistes
juifs furent issus de la bourgeoisie locale. Ils furent en rupture avec
l'assimilation prônée par leurs parents. Ils se forgèrent une
personnalité particulière en théorisant le côté messianique du judaïsme,
tout en se référant à la lutte de classes. Si l'Allemagne fut la
principale référence, il exista aussi une variante en Yiddish à Vienne,
et un groupe à Prague dans lequel le jeune Kafka fit quelques
apparitions. Le français Bernard Lazare se trouva dans le même genre de
configuration. Eric Müsham, poète et révolutionnaire, assassiné en 1934
dans un camp de concentration nazi.
Certains eurent un destin tragique. Landauer fut assassiné lors de la
répression des conseils ouvriers de Bavière. Les nazis continuèrent le
travail, soit directement, par exemple avec Erich Mühsam, qui périt
assassiné dans une latrine du camp d'Oranienburg en 1933, ou bien
indirectement: Tollers se suicida à New-York, Karl Einstein et Walter
Benjamin en firent de même au pied des Pyrénées. Pierre Ramus mourut
dans des conditions étranges sur un bateau qui l'emmenait en Amérique.
Des paroles à l'action...
Quand la guerre civile éclata en Espagne en juillet 1936, suite au coup
d'état fasciste de Franco, de nombreux juifs se solidarisèrent avec le
peuple espagnol. Il s'agissait pour eux de lutter directement contre les
nazis et leurs alliés.
Militants anarchistes ou non, ils participèrent aux réalisations de
l'Espagne libertaire. Certains s'engagèrent directement sur le terrain
dans les rangs anarcho-syndicalistes de la CNT-AIT et la FAI, d'autres
organisèrent dans leurs pays respectifs la solidarité financière ou
médicale, et l'envoi de matériel.
Les libertaires juifs furent aussi passionnés par l'éducation. Les
revues qu'ils éditaient incluaient de la poésie, des romans littéraires,
de l'initiation aux mathématiques ou à la physique. Des écoles libres
furent créées dans les communautés autogérées. La plus fameuse fut
l'école Francisco Ferrer, qui appliquait les méthodes de ce pédagogue
libertaire espagnol. Il y eu des colonies autogérées aux Etats Unis,
telle la colonie de Stanton dans l'Est du pays, qui comprenait notamment
un petit atelier et un service de bus. Un atelier autogéré de tailleurs
fonctionna à Paris après la Seconde Guerre mondiale. Par la suite,
certains investirent des kibboutz en Israël.
Le rapport aux «goïm» libertaires
Quelques figures de non Juifs marquèrent profondément le mouvement
libertaire juif. En voici quelques exemples:
- L'américaine Voltairine de Cleyre, qui fit de l'alphabétisation dans
ce milieu d'immigration.
- L'allemand Johan Most fut la référence idéologique des Américains.
- Rudolf Rocker, lui aussi d'origine allemande, fut l'animateur du
mouvement en Angleterre. Il structura l'agitation politique, les
mouvements de grève, apprit le yiddish et s'occupa - entre autre - des
revues «Germinal» et «Arbeiter Freind». Sa compagne, Millie Wilcop,
était d'origine juive. Les Juifs anglais non libertaires le respectaient
et le considéraient comme une sorte de Messie; ce qui est quelque peu
paradoxal pour un Goy... Il écrivit un livre qui n'existe qu'en version
anglaise ou espagnole: «Nationalisme et culture», qui devrait être une
référence alternative aux guerres ethniques dans le monde. Son
expérience au sein de l'East End londonien lui donna cette faculté
d'analyse des problèmes ethniques d'un point de vue libertaire.
- Louise Michel, le français Sébastien Faure, l'italien Malatesta eurent
l'occasion de fréquenter les anarchistes juifs.
En retour, certains Juifs ont eu une influence sur le mouvement
libertaire général; les Juifs américains aidèrent à structurer le
mouvement aux Etats Unis; en Angleterre ils furent à l'origine de
l'acquisition d'un immeuble pour créer un local de propagande et de
culture à Londres. Parmi les individus à remarquer, une femme, Maria
Korn, alias Marie Isidine ou Goldsmith fut l'une des principales
animatrices de l'organisation étudiante française ESRI.
Toutefois, le plus extraordinaire cas se trouve en Chine,: le grand
poète libertaire chinois Pa Kin posa son regard sur le judaïsme. Il se
dit étonné, au travers des lectures qu'il put se procurer sur la Russie,
d'apprendre qu'il pouvait y avoir des juifs capitalistes ou rabbins, car
la seule référence du judaïsme qu'il connaissait était le groupe
anarchiste juif de Paris. Dans son livre «Rêve en mer» (1932) il raconta
l'histoire de Samuel Schwarzbard qu'il traduisit en chinois par «Barbe
Blanche».
Identité nationale
La question identitaire se posa aux anarchistes juifs de trois manières:
- Ceux qui se considérèrent comme des internationalistes et dont la
référence principale fut l'attachement à la classe des exploités;
- Ceux qui privilégièrent l'identité au travers de la langue et de la
culture, et des conditions particulières de l'exploitation au sein des
communautés. Ici, l'appartenance identitaire fut reconnue comme une
partie intégrante parmi d'autres au sein de l'internationale des peuples
exploités.
- Enfin, la tentation du sionisme révolutionnaire initié par Mose Hess
et Bernard Lazare prit toute son importance du fait que les sociétés
occidentales ne purent (et l'affaire Dreyfus en fournit une preuve
classique) éradiquer l'antisémitisme. Le pogrom de Kichinev laissa aussi
dans les mémoires un traumatisme important. La Shoah finit de faire
basculer une grande partie du mouvement vers l'espoir d'un foyer
national en terre d'Israël. La mystification du kibboutz communiste
finit de parfaire la justification idéologique.
Qu'en reste-t-il aujourd'hui?
Si le «Freie Abeiter Stime» continua de paraître à New-York jusque en
1981, le mouvement spécifique s'essouffla dès avant la Seconde Guerre
mondiale. Après la guerre, des groupes continuèrent d'exister, mais ils
étaient bien amoindris. Cette courbe descendante est à inscrire dans le
cadre du déclin anarchiste en général, ainsi que de l'extermination des
juifs d'Europe centrale et orientale par les nazis. Et il ne fait pas de
doute que dans les pays de l'Est, parce que juifs et parce
qu'anarchistes, les rares survivants ont du faire face à la répression
communiste stalinienne.
Quelques figures sont cependant dans la lignée directe de ce mouvement,
surtout aux Etats-Unis. Tel l'universitaire Paul Avrich ou l'écologiste
Murray Boukchin, ou encore le linguiste Noam Chomsky.
En France, la Fédération anarchiste édita en 1980 deux numéros de
«Schwartz Fohne». En Israël quelques militants sont regroupés dans le
mouvement des Kiboutzim et dans les universités, mais tout ceci reste
très marginal.
Cependant, avec la chute du communisme autoritaire, des Juifs
s'impliquent de nouveau dans les courants libertaires. Ceux là sont
souvent issus du mouvement social dans lequel ils s'engagèrent, mais
l'identité yiddish y est inexistante, d'autant plus que plusieurs
d'entre eux ont des origines séfarades.»
NOTES:
[1]de l'anglais «to sweat»: suer, désigne un système d'exploitation à
outrance des travailleurs
[2]Les pionniers de la liberte: quand les anarchistes juifs inventaient
les apéros saucissons...
[3]La LICA fut alors créée pour soutenir Schwatzbard lors de son procès...
[4]Certains calomniateurs (notamment communistes et Trotsky lui même)
ont accusé Makhno et le mouvement insurrectionnel ukrainien
d'antisémitisme. Makhno et des membres du mouvement insurrectionnel dont
Voline, lui même d'origine juive, ont démonté ces calomnies diffamantes.
On pourra consulter les réfutations de Voline, Makhno, etc. ici:
https://makhno.home.blog/category/refutation-de-lantisemitisme-de-makhno/
SOURCE: Actualité de l'Anarchosyndicalisme
https://www.socialisme-libertaire.fr/2025/01/une-approche-du-mouvement-libertaire-juif.html
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