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(fr) Alternative Libertaire #356 (UCL) - Nestlé: L'eau ne coulera jamais sous les ponts de Vittel

Date Thu, 23 Jan 2025 19:16:27 +0000


Entre reconnaissance de pollution industrielle au plastique, condamnation pour prise illégale d'intérêt, plans de licenciements à répétition et accaparement dissimulé de la ressource; dans les Vosges, le géant de l'embouteillage Nestlé Waters cumule les scandales et les enquêtes judiciaires. Depuis dixans, associations d'habitant·es militant·es et lanceur·euses d'alerte se retroussent les manches pour mener le combat juridique, dans une région où l'exploitation des sols a toujours coulé de source. ---- Sur le pas de la diagonale du vide, à l'orée géographique des massifs vosgiens dans le Grand Est, les villes thermales voisines de Contrexéville et de Vittel se distinguent depuis le XIXe siècle par leur opulence. Les ­vertus thérapeutiques des eaux souterraines de la région sont prisées de l'oligarchie russe et de toute l'aristocratie européenne, alors dès 1857, on commence à en remplir des bouteilles. Durant un siècle, les ventes suivent une courbe folle. En 1969, le groupe suisse Nestlé rachète 30% du capital, puis en 1989, la totalité des parts de la Société des eaux de Vittel...

Parmi toutes les cavités géologiques pompées, la nappe phréatique des grès du Trias inférieur (GTI) constitue un réservoir d'eau de très grande qualité, mais dont la multinationale ponctionne désormais des quantités trop importantes pour permettre sa recharge naturelle. De nos jours, l'entreprise est responsable de près de 80% de son déficit et il faudrait laisser passer au moins cinquante ans sans pompage afin qu'elle atteigne ses niveaux préindustriels. Un objectif loin ­d'être dans les projets de l'entreprise ou des collectivités.

Arsenic, fraude, pompages illégaux: un bilan judiciaire compétitif

En 2010, la firme a annoncé vouloir diminuer ses prélèvements de 700 000 à 200 000 m³ d'eau par an, afin d'atteindre une diminution globale de 1 000 000 de m³ d'eau extraite tous les ans. Un plan présenté comme l'effort conjoint des industriels et des pouvoirs publics. La Commission locale de l'eau (CLE), organisme fondé la même année et placé sous l'autorité du conseil départemental, avait fixé à 2015 l'horizon de rétablissement du niveau des nappes.

Avant de repousser ces attentes à 2021, puis à 2027. ­Entre temps, la découverte de neuf forages illégaux a montré le prélèvement supplémentaire d'environ 650 000m³ d'eau par an (chiffre calculé sur les pompages de 2018) par Nestlé Waters dans des nappes moins surveillées que celle du GTI. Une dissimulation que l'entreprise a d'abord niée, avant de devoir reconnaître sous la charge des preuves, mais sans jamais avoir eu à comparaître devant la justice.

Déjà sous le coup d'une enquête policière tentant de déterminer son degré de responsabilité exact après la découverte de décharges de plusieurs dizaines de milliers de m³ de bouteilles en plastiques enterrées entre 1960 et 1970 dans des fosses des communes avoisinantes, Nestlé Waters n'a eu de cesse ces dernières années d'enchaîner les scandales. Parfois étrillée, mais le plus souvent défendue par des élus locaux de premier plan.

La démonstration la plus marquante de cette connivence restant la condamnation de Claudie Pruvost, ex-présidente de la CLE, épouse d'un cadre de chez Nestlé Waters et ancienne conseillère départementale du canton de Vittel, épinglée par le tribunal de Nancy en 2021 pour prise illégale d'intérêt et condamnée à 3mois de ­prison avec sursis ainsi qu'à 5 000 euros d'amende. Un événement qui, comme le note Alexandre Abdelilah, journaliste chez Mediapart, marquera sans ambiguïté pour les années à venir «le système d'influence mis en place par Nestlé dans les Vosges». Le même média reviendra à plusieurs reprises sur ce thème à travers ses dossiers «Water Stories», apportant son lot de preuves et de soupçons concernant d'autres activités de l'entreprise.

En avril 2024, la cellule d'investigation de Radio France et Le Monde révèlent que Nestlé Waters aurait eu recours à des traitements interdits pour purifier ses eaux (Hépar, Contrex, Vittel, Perrier, San Pellegrino), tout comme le groupe Source Alma (Rozana, St-Yorre, Cristalline). Leurs appellations «minérales naturelles» et «de source» constituent une tromperie commerciale. Un rapport interne classé confidentiel émis en parallèle par des ingénieurs de Nestlé Waters, et dont Médiapart a publié les détails, corrobore l'accusation. Ce dernier présente un état des lieux complet de la ressource souterraine et des équipements industriels, alertant notamment sur la défaillance de filtres contrôlant la dose d'arsenic dans les eaux embouteillées, ainsi que sur dix-neuf autres irrégularités et non respect des réglementations.

À l'issue de deux ans d'investigation[1]après que le dossier ait été confié à l'Office français de la biodiversité, le 10septembre 2024 l'entreprise comparaissait finalement devant le tribunal judiciaire d'Epinal afin d'expédier les deux affaires à la fois: celle du traitement de ses eaux, ainsi que celle des forages illégaux.

Tape dans le dos et coups d'épées dans l'eau

Les cinq associations partenaires du collectif Eau 88[2]qui avaient porté plainte en 2020 contre l'entreprise pour ses forages, n'assisteront pas à un procès ce jour-là, «mais à une petite tape dans le dos» relate Bernard Schmitt. Ce dernier est co-président du collectif et membre depuis 2016 de la CLE.

Le procureur n'a en réalité réuni les avocats des deux parties que pour faire l'annonce des arrangements discutés à l'amiable avec Nestlé, à travers la signature d'une Convention judiciaire d'intérêt publique (CIJP). «Un document permettant de couper court toute possibilité de recours et de passer les choses sous le tapis», résume-t-il. Le tout en insistant encore une fois sur le volontarisme de la multinationale à définir les contours de ce nouveau partenariat avec les autorités. Il précise: «Notre avocat n'a même pas eu l'occasion de consulter le contenu de cette CIJP, ou d'en discuter avec le procureur de la République[...]qui a expédié l'affaire.».

L'affaire s'est simplement réglée en privé. Nestlé Waters a tout de même été contrainte au ­versement d'une amende de 2,1millions d'euros au trésor public et aux collectivités, ainsi qu'à près de 500 000euros ­d'indemnités aux cinq associations qui ont porté l'affaire devant la justice. Une compensation dérisoire compte-tenu du chiffre d'affaires de l'entreprise et en comparaison des gains engrangés par la fraude -trois milliards, rapporte Médiapart dans son enquête. Nestlé Waters s'est également vu contrainte de poursuivre ses projets de renaturation de deux cours d'eau, le Vair et le Petit-Vair, entamés au ­travers sa filiale d'aménagements paysagers Agrivair.

Les lobbys, plus forts que la mairie?

Lorsqu'elle ne parvient pas à ranger la justice dans sa poche, Nestlé Waters est coutumière de l'exercice du damage control dans la presse locale: elle présente ses projets de compensation environnementale (à l'instar du projet de renaturation du Petit-Vair) comme des solutions consensuelles et satisfaisantes. Une compensation très relative, limite mensongère au regard du rattrapage impossible de la santé chimique des sols ou de la perte de biodiversité au-delà des zones revitalisées.

Si la méthode a pu convaincre certains habitants, d'autres dégâts causés par l'entreprise ont fini par lui aliéner une partie de la population. Quid, par exemple, des suppressions d'emplois à répétition? 2100salariés travaillaient encore à l'usine en 2005. Ils ne sont plus que 550, vingt ans plus tard... Un quart de l'effectif a encore été remercié l'an dernier, suite à des baisses de commandes et à la fin de la commercialisation de la marque Hépar.

Les politiques, eux, gonflent l'airbag. Les plans de licenciements provoquent de sincères atermoiements, mais le projet n'a jamais été d'abandonner l'exploitation industrielle des nappes. Le ­siège de la communauté de communes Terres d'eau est le lieu où se réunissent les maires des communes avoisinantes; il est situé près des usines de Nestlé Waters.

À quelques centaines de mètres de ces lieux emblématiques se situe la fromagerie de l'Ermitage, coopérative en pleine croissance de 400producteurs laitiers qui emploie près de 700salarié·es sur site, c'est le premier employeur du bassin et le second exploitant des nappes. L'extraction de la ressource n'y est pas davantage remise en cause: l'économie de la région a toujours tourné à l'eau.

Mais tout n'est pas encore ­perdu pour les opposant·es. En dernier recours, afin d'exiger un procès équitable, l'association de défense des consommateurs Food Watch annonce avoir déposé une nouvelle plainte. Grâce aux mobilisations et à la pression des médias, la commission des affaires économiques du Sénat a finalement reconnu en octobre des «problèmes de transparence et de finalité de l'action publique» dans le traitement judiciaire de l'affaire. Elle envisage par ailleurs de diligenter une commission d'enquête à l'égard, notamment, des cabinets des ministres de l'économie Bruno Le Maire et de la santé Olivier Véran, posant les soupçons d'un lobbyisme au plus haut niveau de l'État.

Dans un coup d'éclat, la multinationale s'est dotée d'un nouveau président la saison dernière. Laurent Freixe s'est fixé jusqu'à 2027 pour faire progresser le chiffre d'affaires du groupe de + 4% à + 6%. En plein scandale, l'une de ses premières décisions a été la restructuration de sa filiale Nestlé Waters en société ­anonyme. Depuis le 1er janvier 2025, toutes les eaux et les ­usines d'embouteillage du numéro un de l'agroalimentaire sont désormais regroupées sous une entité commerciale distincte, avec sa propre direction. Le message est mauvais. À ­Vittel et Contrexéville, ni les syndicats, ni les élus locaux n'ont été prévenus et tous craignent une revente ou à minima un plan social d'une ampleur inédite.

UCL Vosges

* Pour aller plus loin, voir le documentaire d'Arte «À sec, la grande soif des multinationales», consulter les «Water stories» de Mediapart et les travaux de Vosges nature environnement, revenant en détails sur les affaires de Nestlé. Retrouvez l'interview complète de Bernard Schmitt prochainement sur le site du journal Alternative libertaire.

++++

Lutter pour que l'eau reste un bien commun

L'eau est une ressource essentielle à l'activité humaine. Elle fait l'objet de revendications sociales fortes pour être protégée dans une société ­capitaliste qui accélère le dérèglement climatique par l'épuisement des ressources.

En France, récemment, les Soulèvements de la Terre ont mobilisé contre les mégabassines qui assèchent les nappes phréatiques au profit des agro-industriels. Cette lutte a permis d'annuler plusieurs projets de mégabassines sur le territoire. En 2009 en Italie, depuis Naples, le slogan «Acqua bene comune» («l'eau un bien commun») a rassemblé le pays contre la privatisation des services publics locaux, tels que l'eau. Victoire pour la mobilisation: par le biais d'un référendum d'initiative populaire, un vote contre la privatisation est passé à 95% des voies.

En Bolivie, début des années 2000 à Cochabamba, la guerre de l'eau a opposé le mouvement social (organisé dans la Coordination de défense de l'eau et de la vie) au gouvernement qui a délégué le service de l'eau à un consortium privé international, entraînant une hausse des tarifs de l'eau. En 2005, la ville d'El Alto s'est aussi mobilisée contre la privatisation. Finalement, l'eau sera reconnue comme un bien commun répondant au principe de non marchandisation dans la Constitution bolivienne en 2009.

Les mouvements populaires permettent d'accorder la personnalité juridique à des fleuves. C'est le cas en Nouvelle-Zélande où les Iwi luttaient depuis 150ans pour reconnaître des droits au fleuve Te Awa Tupua: une étape importante pour la reconnaissance de la culture des Maoris. Contre l'accaparement des ressources par le secteur privé, qui pollue, assèche, privatise l'eau, la lutte paie!

Elsa (UCL Grenoble)

Notes:
[1]Sur la base d'une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
[2]Les associations partenaires du collectif Eau 88 sont l'Association de sauvegarde des vallées et de prévention des pollutions, France nature environnement, Lorraine nature environnement, UFC Que choisir et Oiseaux nature.

https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Nestle-L-eau-ne-coulera-jamais-sous-les-ponts-de-Vittel
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